« Détruire les éléments contaminés pour préserver ceux qui sont sains. La chasse aux sorcières provoquée par le Sida à la fin des années 1990, les groupes d'autodéfense qui entraient par effraction dans les centres de dépistage et de traitement de tout le pays pour trouver l'identité des personnes contaminées, tout ça reposait sur un principe similaire : identifier?! détruire?! Ils ne recherchaient pas seulement les gens atteints d'une forme aigüe de la maladie, mais aussi celles et ceux qui avaient été testés positifs au VIH-I, II et/ou III. J'avais eu de la chance, les employés des locaux de la Cellule d'intervention où mon dossier était conservé étaient parvenus à contenir la foule pendant qu'un volontaire mort de peur se démenait comme un forcené pour effacer les archives informatiques et que deux autres brûlaient les archives papier dans le lavabo des toilettes. » En 1986, lorsqu'une jeune biologiste ambitieuse découvre qu'elle est séropositive, elle renonce à une brillante carrière de chercheuse et se réinvente en tant que professeure discrète dans une petite ville de Pennsylvanie. Suivant les recommandations des médecins lui intimant une vie sans stress ni tensions, elle se réfugie dans la permaculture et limite ses relations sociales, espérant survivre jusqu'à ce qu'un remède contre le VIH soit découvert.
Entre pandémie et désastres environnementaux, ce récit à la première personne révèle une histoire de ce qu'aurait pu être une vie avec le sida. Texte fort et sensible, cette longue nouvelle relate le refus intemporel d'une personne d'accepter la défaite, et dont les subterfuges et réflexions servent une trame narrative dynamique et surprenante.
Comment ne pas être touché par l'histoire de Gel, cette machine toute-puissante qui voudrait devenir un homme ? Gel est contrôleur du Nord, c'est une intelligence artificielle qui oeuvre à la reconstruction d'une Terre sur laquelle ne subsiste plus aucun être humain vivant. Mais Gel a un hobby : l'homme ! Il étudie les vestiges de l'humanité disparue, découvre l'existence des livres, du cinéma, de l'art, etc. si bien qu'il se met à désirer devenir lui-même humain, et ce à n'importe quel prix...
Au fil de la quête de Gel, ce Faust de métal tenté par l'impossible, Roger Zelazny explore à sa manière ce qui fait le propre de l'humain et proclame en quelque sorte par avance la défaite des prétentions à la numérisation du cerveau humain et autres lubies des Folamour de la Silicon Valley.
En 2008, les États-Unis s'apprêtent à voter pour leur prochain président. Dans l'État de l'Indiana, dans le comté de Monroe, dans la petite ville de Bloomington, la rumeur enfle et semble se confirmer peu à peu... Et si c'était ici qu'allait se décider le résultat du scrutin ? Depuis que le pays s'est converti à la « démocratie électronique », le puissant ordinateur Multivac sélectionne LE citoyen qui décidera du nom du prochain leader du monde libre. L'omnisciente machine est en effet capable d'analyser ses réponses à un questionnaire qu'elle a elle-même savamment établi, les recoupant avec les tendances observées dans le reste de la société, pour déterminer le résultat de l'élection... qui, désormais, n'a plus de raison d'être.
À l'heure où les systèmes démocratiques de la planète vacillent sur leur base, il peut être intéressant de se rappeler le point de vue d'Isaac Asimov sur les dérives d'une société politique ivre de technologie, d'efficacité et de rendement.
« Arrivé au travail, je suspendis ma veste de sport en plastique, enlevai mon masque blanc de chirurgien (noir à l'emplacement de ma bouche et de mon nez) et empli mes poumons de ce bon air-purifié-à-la-machine qui ne gardait qu'une légère odeur d'huile et d'ozone ; un des avantages de travailler à Air Central était qu'on y respirait le meilleur air de la ville. » Dans un futur proche, les voitures à essence sont bannies et les rares récalcitrants s'exposent à la peine maximum. Le monde étouffe jour après jour un peu plus sous le poids de la pollution atmosphérique. Malgré tout, la vie continue et les entreprises poursuivent leurs activités ultra-polluantes. Jim Morrison, employé attaché à l'organisme Air Central, pourtant garant de la qualité de l'air, ne peut que constater son impuissance. D'ailleurs, la traque qu'il livre à un mystérieux nostalgique de l'ère automobile a-t-elle encore un sens ?
La vision pessimiste mais lucide de l'auteur de Vent d'est, vent d'ouest, publiée en 1972 - même année que la publication du rapport Meadows - n'a malheureusement pas perdu de son actualité. Cette enquête surprenante critique avec ironie la philosophie des « petits gestes du quotidien » et ne manque pas de nous faire sourire (jaune).
On ne sait ni où, ni comment, ni pourquoi, mais c'est arrivé. Ces quelques individus épars se sont trouvés dans le brouillard lourd et épais, et se serrent les coudes en attendant d'en savoir plus. Plus sur ce qui s'est passé. Plus sur la réalité des radiations qui les entourent. Plus sur l'avenir du monde. Et encore plus sur leur chance de survie.
Cantonnés dans un camp militaire dans la campagne française, ils vont se confronter au silence qu'on leur oppose sur cette catastrophe.
Parue pour la première fois en 1979, « Les retombées », nouvelle d'anticipation inquiétante et sombre, offre un scénario possible de la catastrophe nucléaire et de la gestion d'urgence mise en oeuvre par les autorités.
Ce coffret réunit sept nouvelles de science-fiction ou d'anticipation, signées par des grands noms du genre mais aussi par des auteurs et autrices plus confidentielles. Unis par une même attention à leur temps, un même génie visionnaire et un imaginaire sans limites, ces récits oubliés éclairent notre présent de manière tantôt émouvante, tantôt troublante, drôle parfois. Fin du monde, complotisme, société de surveillance, pollution, exode urbain, transhumanisme ... Au fil de ces textes écrits entre les années 1940 et 1980, la science-fiction révèle une fois de plus son pouvoir prémonitoire.
Des textes vitaux de science-fiction, qui se sont révélés, avec le temps, véridiques, pour le meilleur et pour le pire.
Dans un monde surpeuplé ravagé par la pollution, les guerres nucléaires et où les ressources s'épuisent, des expéditions sont envoyées dans le futur pour trouver des territoires à exploiter.
Lorin et Jan, un couple de scientifiques, font partie d'une de ces expéditions et découvrent un futur vierge de toutes traces humaines et animales. Tandis que Jan est prise de panique face au silence qui règne dans la forêt et semble impatiente de retrouver son quotidien au 62e étage de sa tour, Lorin y voit la promesse d'une vie paisible, reconnectée à la nature et décide de tout mettre en place pour ne plus repartir...
Dans cette nouvelle de 1970 à l'apparence classique se révèlent des préoccupations écologiques précoces mises en scène à travers les visions dissonantes d'un couple pourtant uni.
"C'est une des anomalies de notre société toujours plus fragmentée et stratifiée que cette survivance d'un contact régulier de communauté à communauté ; un certain nombre de gens doivent se rendre tous les jours dans des districts périphériques, où ils travaillent isolés, dans un monde étranger et malveillant." Le monde n'est plus qu'une seule cité divisée en millions de districts. Ces différentes zones confient toute leur maintenance et leur sécurité à un programme central. Et lorsque celui-ci est dérobé, rien ne va plus...
Dans cette fable où l'alliance inquiétante de la dépendance technologique et du repli identitaire paraît ne pouvoir déboucher que sur le chaos annoncé, Silverberg pose la question de la surpopulation et du vivre-ensemble à l'ère des mégalopoles connectées.
Deirdre, une star de la télévision à la beauté incomparable, décède brutalement lors d'un incendie.
Mais c'est sans compter sur le pari fou de son impresario et d'un scientifique de génie, Maltzer, qui décident de transplanter son cerveau dans un corps artificiel.
Quand Deirdre revient à la vie dans son corps de métal elle veut alors reprendre sa carrière, au grand désarroi de son impresario qui est convaincu que, sans la sensualité d'un corps de femme, sa carrière est vouée à l'échec. Maltzer, quant à lui, est dépassé par sa création et regrette d'avoir joué à l'apprenti sorcier.
Écrit en 1944, ce texte fait écho aux débats actuels autour du transhumanisme et des « corps augmentés ».
Mais surtout, c'est le récit d'une femme qui se bat pour faire entendre ses opinions face à deux hommes.
"Ici ton médecin de famille [...] Quand on trouvait encore du DDT, quand sa vente n'était pas encore interdite, est-ce que tu en mettais dans ton jardin ? - Bien sûr que j'en mettais, répondit Helen. Je pense que la plupart des gens qui ont un jardin le faisaient. J'ai utilisé ça pendant des années et des années, et je t'avouerai que ça me manque." Sensation de fatigue, irritabilité, dépression, douleurs musculaires... Et si tous ces symptômes en apparence bénins étaient liés ? Un médecin de campagne tente de découvrir ce qui a plongé ses patient·es dans un état de manque.
À l'heure où l'utilisation des pesticides ne cesse d'augmenter malgré les maladies qui touchent agriculteur·ices et consommateur·ices, il est passionnant de lire cette nouvelle de Simak, véritable cri d'alerte.
Qu'il fait bon vivre dans l'Amérique des époux Bascom. Maman, dans sa belle cuisine, aidée par des messages publicitaires qui lui disent quand remplir son frigo. Les deux enfants, totalement accros aux jingles délivrés par leur boîte de céréales. Et puis Papa, qui travaille avec fierté pour la société de Ventriloquie Universelle des Etats-Unis. Personne ne peut échapper à cette fièvre acheteuse institutionnalisée. Personne, sauf Grand-mère, qui sort de prison, une vraie terroriste qui a refusé de se laisser bouffer par la publicité.
Voilà à quoi pourrait bien ressembler une société livrée aux appétits sans limite des marques. Ciblage comportemental, marketing viral, publicité contextuelle, si le tableau fleure bon les années 1950, la force de sa vision reste intacte !
En 1986, Steven Saylor imagine comment une invasion de cafards devient une affaire d'Etat
En 1953, William Lindsay Gresham imagine un monde où ce sont les gitans qui détiennent la clé de la survie de l'humanité.
En 1970, Norman Spinrad imagine un voyage dans les abîmes de la civilisation américaine défunte.
« Vous connaissez les logiques. Vous en avez un chez vous. Ça ressemble à un récepteur d'images, seulement il y a des touches au lieu de cadrans et vous pianotez pour avoir ce que vous voulez ». Joe est un de ces logiques qui ont changé la civilisation. Mais celui-ci, fraîchement sorti des usines de la Logics Company, bénéficie d'un petit défaut de fabrication qui le rend plus créatif, plus entreprenant, plus efficace et toujours au service du client. Accédant à des contenus confidentiels, puisant dans les données éparpillées sur le réseau mondial, Joe répond à toutes vos questions et trouve une solution adaptée à tous vos souhaits... y compris assassiner votre femme sans vous faire prendre ou dévaliser une banque sans risque. Froidement, sans penser à mal, Joe mènerait-il l'humanité à sa perte ?
Un logique nommé Joe, publié en 1946, époque où l'ordinateur le plus perfectionné pesait trente tonnes et remplissait une salle de 150m2 est une nouvelle véritablement visionnaire. Non sans humour, Leinster décrit les ravages exponentiels découlant d'un accès illimité à la connaissance et de ses usages immodérés.
« Je suis en règle. Voici le thermomètre, les comprimés d'aspirine, les pastilles pour la toux. Ça, c'est la vitamine C, l'antiseptique, les antibiotiques. J'ai tout, vous ne pouvez pas me coller une amende ». La journée commence mal pour Nico. Il est dans le collimateur de la CGM, la société privée qui fait office de Sécurité sociale et il risque le contrôle sanitaire. Quand on sort des clous de l'État-hygiéniste, il vaut mieux être bien couvert, car dans cette société, la santé, c'est tout... ou rien.
Quand il écrit ce texte, Lino Aldani entend sans doute dénoncer les dérives d'un système de santé livré aux intérêts du privé. Mais comme souvent avec la SF, son récit prend un nouveau sens aujourd'hui et interroge sur les concessions que nous sommes prêts à faire pour vivre en bonne santé.
« Je n'ai aucune doléance particulière à formuler, mais je constate simplement l'existence d'une foule de petits problèmes auxquels vous seuls, Cundaloiens, pouvez apporter une solution. Nous autres Soliens ne le pourrions pas et ne souhaitons de toute façon pas nous immiscer dans vos affaires internes. Mais il vous faut changer certaines choses, sinon nous ne serons plus du tout en mesure de vous aider. » Dans un futur très lointain, l'humanité a essaimé à travers d'innombrables galaxies et est parvenue, tant bien que mal, à pacifier des univers entiers et à imposer son modèle de civilisation. Mais la tâche est loin d'être achevée. La hache de guerre vient d'être enterrée entre les habitants de Cundaloa et ceux de Skontar, dont les mondes sont cependant ravagés. Les Terriens se proposent d'« aider » ces deux peuples à se reconstruire, mais sous certaines conditions : qu'ils renoncent à leur culture, à leurs moeurs et à leur technologie pour embrasser les bienfaits de la civilisation humaine. Les Cundaloiens acceptent l'offre humaine, les Skontariens refusent. Quelle sera pour chacun de ses peuples l'issue de sa décision ?
Que se passe-t-il lorsqu'une nation riche et puissante, au nom du développement et de ses valeurs prétendument universelles, exige d'une nation « en développement » qu'elle adopte sa culture, ses traditions, son identité ?
Telle est la question que Poul Anderson pose dans cette nouvelle... et à laquelle il apporte une réponse sans ambiguïté.
En 1963, John Brunner imagine un monde hanté par le ressentiment des générations futures.
Une nuit, Max Harrow est arraché brutalement à un cauchemar par la sonnerie de la porte d'entrée. Un agent de police vient de secourir dans la rue un homme inconscient, à la maigreur effroyable...
Cette longue nouvelle porte la trace de la terreur qu'inspira le nucléaire dans le monde de la Guerre Froide. Mais son originalité - qui justifie pleinement son entrée dans la collection Dyschroniques - repose moins sur l'expression de cette peur présente que sur la conviction du risque écrasant que fait peser cette menace sur le futur de l'humanité. Un exemple efficace et glaçant de recours à l'un des thèmes fondateurs de la science fiction, celui du voyage temporel. Parue pour la première fois en 1963, « Some Lapse of time » a été traduite en français sous le titre « Faute de temps » par George W. Barlow pour Le Livre d'Or de la science-fiction, n° 5049, consacré à Brunner, en 1979. Ce texte n'avait jamais été republié en France depuis cette date.
L'équipage du « Homeward » a réussi son retour vers la planète-mère, la Terre, après 130 années de voyage. Après une telle séparation, ils s'attendent à trouver sur Terre une technologie sur-développée et une humanité colonisatrice d'autres planètes. Mais la désillusion est grande : le concept de nations n'existe plus, le fédéralisme et l'autogestion régissent la prise de décision collective, la science semble avoir disparu au profit d'une économie primitive fondée sur la commune et l'agriculture, et le véritable progrès est celui de l'épanouissement humain.
Avec une quinzaine d'années d'avance sur le fameux « Rapport Meadows » (1972), Marion Zimmer Bradley développe dans cette novella les thèmes encore insolites du rejet de la croissance économique et du recours limité et pragmatique à la technologie. Lire ce texte aujourd'hui permet plus que jamais de mettre en lumière notre dépendance et notre fascination à l'égard de l'idée de « progrès technique » : tandis que tout ce que la science rend possible est aveuglément mis en oeuvre, ce texte remet les pendules à l'heure en imaginant une humanité qui ne serait plus au service de la technologie qu'elle a créée.
Stevenson Woolsey, qui a lu deux fois Finnegans Wake entièrement et n'embrasse jamais les bébés, est un magnat politique amoureux d'Aurélie van Ten Bosch, le plus pur idéal de fille de savant fou. Or, la dernière invention de ce savant va révolutionner le combat politique, et changer la vie de Stevenson. Cette invention, c'est Frank Merriwell, robot de son état, qui va rafler toutes les élections jusqu'à la fonction suprême.
Adepte de la satire, Ward Moore (1903-1978) offre une vision détonante de la politique en général - et du « cirque » politique américain en particulier. La politique n'est qu'une vaste mise en scène délirante où les idées les plus folles et les discours en apparence les plus absurdes trouvent un écho démesuré lorsqu'ils sont débités avec la plus froide logique.
Et ce n'est pas la moindre des surprises de cette nouvelle, écrite en 1973, que de découvrir peu à peu la machine politique qu'est Frank Merriwell, fruit de la technologie la plus poussée, se faire le chantre de la lutte contre le progrès, l'apôtre d'un retour à la simplicité des relations humaines et l'avocat de sa propre inutilité politique !
En 1955, Robert Sheckley imagine le dernier des grands projets inutiles.
« Plusieurs milliers d'hommes et de machines étaient déjà sur la planète et au commandement de Morrison, ils se disperseraient, supprimeraient les montagnes, raboteraient des plaines, déplaceraient des forêts entières, modifieraient le cours des rivières, fondraient les calottes glaciaires, façonneraient des continents, creuseraient des mers nouvelles, bref, accompliraient tout ce qu'il faudrait pour que le Plan de Travail 35 devienne un centre d'accueil favorable à la civilisation technologique unique et exigeante de l'homo sapiens ».
Cette nouvelle visionnaire et pleine d'imagination illustre à merveille l'art de Robert Sheckley. Pourfendeur acerbe de la société américaine et de son American Way of Life, il s'attaque ici à l'arrogance du productivisme capitaliste et de ses serviteurs, et à la soif d'expansion de l'humanité qui ne peut s'étancher qu'au détriment des minorités, des cultures locales et de la nature.« La montagne sans nom » (titre original : « The Mountain Without a Name ») est parue aux États-Unis en 1955 et en France en 1969 dans la revue Fiction, n° 192. Elle a été reprise en 1981 dans le recueil collectif intitulé La montagne sans nom et autre récits sur la nature (Gallimard, Folio Junior), qui comprend aussi des nouvelles de Ray Bradbury, Christian Grenier, Gérard Klein, Robin Scott, Alfred Eton Van Vogt.
L'Amérique, dans deux ou trois cents ans. Le monde a échappé à l'apocalypse mais s'est enlisé dans une guerre d'usure. L'humanité - en tout cas, celle qui en a les moyens - s'est réfugiée en sous-sol, laissant l'autre partie vivoter à la surface. Gussy et sa femme, Daisy, sont de ceux-là. Ils apprécient leur vie « normale » au sein d'une tour abandonnée. Gussy est un rêveur fou et un inventeur de génie. Régulièrement, Fay, un habitant du dessous travaillant pour une grosse firme, vient lui rendre visite, à l'affût de la moindre invention à commercialiser. Et ce jour-là, ce bon vieux Gussy lui propose de concevoir une sorte d'aide-mémoire automatique qui soulagerait l'homme de nombre de ses soucis et pensées. Quelques jours plus tard, le Mémorisateur voit le jour et fait fureur... avant d'échapper à tout contrôle.
Cette nouvelle fascinante et visionnaire est signée d'un maître du genre. Fritz Leiber décrit, en 1962, une humanité obsédée par le progrès, la technique et le profit, quitte à en devenir l'esclave absolu. Le pense-bête est une fable sur la fascination technologique et les dangers d'une société livrée corps et âme à la machine.
Que diriez-vous si votre père, comme toutes les personnes de plus de 60 ans, devait passer régulièrement un test qui détermine si sa vie offre encore quelque intérêt pour la communauté ? En 2003, dans une société régie par la productivité, les personnes âgées ne peuvent être un « poids » pour les actifs. Aussi, passé un certain âge, chacun est contraint par la loi de passer un examen pour évaluer ses aptitudes intellectuelles et physiques et dont le résultat déterminera la suite de son existence...
À l'heure où nos sociétés occidentales contemporaines sont confrontées au vieillissement de la population et à la « gestion » des personnes non autonomes, il est urgent de relire Richard Matheson et sa vision des dérives d'une société gouvernée par l'utilitarisme économique qui peine de plus en plus à cohabiter avec ses aînés.
Début du XXIe siècle. La terre semble avoir résolu ses problèmes de surpopulation et de famines. Et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, s'il n'y avait « la Tour ». Mélange de plastique, de béton et d'acier, le fameux édifice - dix niveaux de cinq étages chacun - a été érigé en Inde en 1975 dans le cadre d'une expérience. À l'origine, 1500 volontaires - dont 500 couples - de moins de vingt-cinq ans y furent introduits afin d'étudier le comportement d'individus soumis au confinement. 25 ans plus tard, 75 000 personnes pullulent à l'intérieur. Le conditionnement a si bien fonctionné que personne ne semble vouloir sortir, ni même imaginer qu'une autre réalité extérieure soit possible. Pourtant, un certain Thomas Dixit est chargé de mesurer l'intérêt de poursuivre l'expérience de La Tour... ou de l'arrêter.
La Tour des damnés (« Total Environment » en anglais) explore aussi bien la faculté de l'humanité à chercher infatigablement des solutions à sa survie, que la puissance de la science et les problèmes d'éthique qui en découlent. Il évoque la capacité d'adaptation de l'homme face à son environnement, ainsi que son absolu besoin de pouvoir, de croyance et de domination.