«Il a caressé des petits serpents très doux ; il parlait toujours. Le mégot brûlait son doigt ; il a pris sa dernière bouffée. Le premier soleil l'a frappé, il a chancelé, s'est retenu à des robes fauves, des poignées de menthe ; il s'est souvenu de chairs de femmes, de regards d'enfants, du délire des innocents : tout cela parlait dans le chant des oiseaux ; il est tombé à genoux dans la bouleversante signifiance du Verbe universel. Il a relevé la tête, a remercié Quelqu'un, tout a pris sens, il est retombé mort.»
Les voilà, encore une fois : Billaud, Carnot, Prieur, Prieur, Couthon, Robespierre, Collot, Barère, Lindet, Saint-Just, Saint-André.
Nous connaissons tous le célèbre tableau des Onze où est représenté le Comité de salut public qui, en 1794, instaura le gouvernement révolutionnaire de l'an II et la politique dite de Terreur.
Mais qui fut le commanditaire de cette oeuvre ?
À quelles conditions et à quelles fins fut-elle peinte par François-Élie Corentin, le Tiepolo de la Terreur ?
Mêlant fiction et histoire, Michon fait apparaître avec la puissance d'évocation qu'on lui connaît, les personnages de cette « cène révolutionnaire », selon l'expression de Michelet qui, à son tour, devient ici l'un des protagonistes du drame.
Si Pierre Michon écrit peu, il lit beaucoup. Sa connaissance de la littérature est encyclopédique, sa fréquentation des écrivains d'autrefois (mais contemporains aussi) permanente. A intervalle régulier, entre deux livres, il accorde un entretien à telle petite revue littéraire bientôt disparue, à tel bulletin à la diffusion incertaine, à tel périodique mieux installé parfois aussi. Chacun de ces entretiens fait l'objet d'un travail de relecture assidu, d'une élaboration soignée, d'une mise au point de détails. Et chacun d'entre eux constitue un véritable trésor de connaissance et d'intelligence. C'est cet ensemble de textes qui se trouvent ici réunis. Le volume est organisé autour de trois thèmes : la vie et l'oeuvre des écrivains favoris de Michon (Rimbaud, Balzac, Flaubert, Melville, Faulkner, Giono, etc., mais aussi Bergounioux, Quignard, Volodine), l'évocation de son propre passé (où Michon s'en va puiser les traits de ces pauvres bougres qui hantent ses romans) et de son travail d'écrivain, l'exploration des grands mythes autour desquels s'organise notre société. Ces " propos sur la littérature " entreront à coup sûr un jour dans les programmes scolaires et universitaires, tant ils sont simples d'accès, riches et pédagogiques. Préface inédite
«Qu'est-ce qui relance sans fin la littérature ? Qu'est-ce qui fait écrire les hommes ? Les autres hommes, leur mère, les étoiles, ou les vieilles choses énormes, Dieu, la langue ? Les puissances le savent. Les puissances de l'air sont ce peu de vent à travers les feuillages. La nuit tourne. La lune se lève, il n'y a personne contre cette meule. Rimbaud dans le grenier parmi les feuillets s'est tourné contre le mur et dort comme un plomb.»
« Le roi, on le sait, a deux corps : un corps éternel, dynastique, que le texte intronise et sacre, et qu'on appelle arbitrairement Shakespeare, Joyce, Beckett, ou Bruno, Dante, Vico, Joyce, Beckett, mais qui est le même corps immortel vêtu de défroques provisoires ; et il a un autre corps mortel, fonctionnel, relatif, la défroque, qui va à la charogne, qui s'appelle et s'appelle seulement Dante et porte un petit bonnet sur un nez camus, seulement Joyce et alors il a des bagues et l'oeil myope, ahuri, seulement Shakespeare et c'est un bon gros rentier à fraise élisabéthaine. »
" je voudrais faire des portraits qui un siècle plus tard aux gens d'alors apparussent comme des apparitions " écrivait van gogh il y a justement un siècle.
Ces portraits, on peut douter qu'ils apparaissent aujourd'hui : comble de la valeur marchande, ils sont aussi peu visibles que les effigies des billets de banque. c'est que van gogh, qui accessoirement était peintre aussi, est une affaire en or. dans cette affaire, il est bien au-delà de son oeuvre maintenant, nulle part. j'ai voulu le voir en deçà de l'oeuvre ; par les yeux de quelqu'un qui ignore ce qu'est une oeuvre, si ce phénomène était encore possible à la fin du siècle dernier ; quelqu'un qui vivait dans un temps et dans un milieu où la mode n'était pas encore que tout le monde comprît la bonne peinture : ce facteur roulin qui fut l'ami d'un hollandais pauvre, peintre accessoirement, en arles en 1888.
Et bien sûr je n'y suis pas parvenu. le mythe est beaucoup plus fort, il absorbe toute tentative de s'en distraire, l'attire dans son orbite et s'en nourrit, ajoutant quelques sous au capital de cette affaire en or, sempiternellement. cet échec est peut-être réconfortant : il me permet de penser que le facteur roulin se tient nécessairement devant qui l'évoque à la façon d'une apparition, comme le voulait celui qui le fit exister.
P. m.
" Qu'il meure de ma main ou que je meure de la sienne, il n'assouvira pas sa faim, il n'entendra pas le mot de l'énigme ; pas plus que je ne l'entendrai, moi, Aetius. Tout cela me lasse jusqu'à la mort. Tout cela doit être. Combattons. Des chevaux galopent, des flèches passent comme un vol d'ibis. Mon casque. "
Quand il arrive à castelnau, un village au fin fond de la dordogne, tout près de lascaux, le narrateur a vingt ans.
C'est son premier poste.
Derrière le rideau gris des pluies de septembre, entre deux dictées, le jeune instituteur s'abandonne aux rêves les plus violents - archaïques, secrets et troubles comme les flots que roule, en contrebas les maisons, la grande beune.
Dans ces contrées où se rejoue encore dans une forme ancienne l'origine du monde, le sexe sépare deux univers. celui des hommes, prédateurs, frustes mais rusés - terriblement.
Et puis celui des femmes, autour de deux figures que l'écrivain campe magistralement.
Hélène, l'aubergiste, mère emblématique, et yvonne, à la beauté royale, qui suscite chez le narrateur une convoitise brûlante et toutes les variations d'un émoi qu'il nous fait partager au rythme de sa phrase : emportée comme un galop de rennes dans une ère révolue, retournée en une scène grotesque où des enfants exhibent l'animal vaincu, mordante ou fuyante comme le loup des peintures rupestres.
Parmi les entretiens que j'ai donnés depuis 1984, j'en ai réuni trente. On y trouvera le jeu de masques que ce genre exige, des contrevérités peut-être, de l'incongru, des traits de mauvaise foi, mais sûrement aussi quelques vérités, pas toutes involontaires.
Et puis, relisant ces propos, je me dis qu'à défaut de la vérité introuvable, on y trouve enlacés les souvenirs et les lectures qui m'ont constitué : le panthéon aztèque et la chasse à Dieu dans Moby Dick, « le petit roman de trente pages » de Lautréamont et le rasoir d'un théologien anglais, une écoute enfantine de Salammbô qui est ma scène primitive, des lieux et des noms. Melville et Faulkner, Beckett, y voyagent parmi des toponymes limousins. Mes morts bavards, Flaubert, Rimbaud et Villon, Giono et Borges, Hugo y fréquentent des prolétaires morts sans discours.
Quelles sont les principales mutations économiques et sociales du second XIXe siècle ? Comment la IIIe République a-t-elle conquis le coeur des Français ? Quelles sont les origines de la Grande Guerre et les conséquences de la « paix manquée » de 1918 ? Comment cerner la nébuleuse des idéologies fascistes et autoritaires de l'entre-deux-guerres ? Autant de questions auxquelles nous tentons ici d'apporter des réponses.
Cette deuxième édition, corrigée et étoffée, compte cinquante chapitres enrichis d'illustrations, de cartes et d'encadrés. Les développements sont organisés en cinq parties conformément au programme en vigueur au sein des instituts d'études politiques : « Économie et société depuis 1850 », « La Guerre au XXe siècle », « Le Siècle des idéologies », « Colonisation et décolonisation » et, enfin, « Les Français et la République ».
S'y ajoutent quatre compositions et trois commentaires corrigés, à l'aide desquels les préparationnaires pourront aborder, dans les conditions mêmes de l'épreuve, les deux exercices prévus aux concours.
Soucieux d'aller droit au but, convaincu que la chronologie est, en histoire, la première des logiques, nous avons privilégié une présentation simple des faits, assortie d'exemples pittoresques. Ainsi, au-delà des grandes figures du monde contemporain, le lecteur rencontrera, chemin faisant, des personnages plus confidentiels, mais non moins authentiques, tant l'anecdote rejoint parfois la grande histoire..
Les deux Beune est le roman que forment La Grande Beune, paru chez Verdier en 1996 dans une première version, et La Petite Beune, inédite.
; deuxièmement, les aider dans la préparation des concours qu'ils ambitionnent de présenter, notamment ceux des instituts d'études politiques et ceux des écoles normales. L'épreuve d'histoire y occupe en effet une place éminente. En outre, elle figure, à titre d'option, aux divers concours administratifs, dont elle irrigue les épreuves de culture générale.
Les trois parties de ce livre, découpées selon les lignes de fracture classiques de la période, le second XIXe siècle, jusqu'en 1914, la "nouvelle guerre de Trente ans", de 1914 à 1945, et enfin le temps présent -, sont divisées en chapitres succincts, eux-mêmes composés d'une courte chronologie, de brefs paragraphes détaillant les problématiques de la période et du thème considérés, d'un ou de deux textes choisis et de quelques indications bibliographiques.
On pourra donc lire ce manuel de manière linéaire ou, au besoin, n'en consulter qu'une partie.
Trois cailloux pour Walter Benjamin est un ouvrage réunissant trois auteurs qui évoquent, chacun à sa manière, dans un texte inédit, la figure de Walter Benjamin.
Pierre Michon, en un raccourci vertigineux entre le mode d'apparition des bêtes dans son enfance et celles qui défilent devant Adam dans le jardin de la Genèse, propose une méditation proche de la réflexion sur le langage du jeune Walter Benjamin.
Guy Petitdemange se penche sur le mystère de l'écriture fragmentaire, en éclats, d'un Walter Benjamin partagé entre sa volonté de théoriser et une prose qui dit infiniment plus que tout système, proche en cela d'une oeuvre d'art qui contesterait, du sein même de l'élan qui la porte, les conditions de son apparition.
Bruno Tackels évoque la figure d'un Walter Benjamin décalé, en rupture avec la morale bourgeoise de son temps. Un homme solitaire, clairvoyant, lucide jusqu'au naufrage, amené à adopter, tout au long de sa vie, des stratégies de survie qui s'apparentent à des formes modernes de piraterie.
Trois lettres de Walter Benjamin clôturent l'ouvrage.